dimanche 21 octobre 2007

Insupportable précarité

© MIG

L’hiver s’annonce et les cuves sont vides. Il faut refaire le plein de mazout. À un moment où son coût n’a jamais été aussi élevé. Restons décents : je ne me plaindrai pas. Bien sûr, c’est une entaille dans notre budget, mais on peut l’assumer, sans trop de difficultés. De plus, nous avons la possibilité de chauffer le rez-de-chaussée de la maison grâce à une cassette à bois, celui-ci n’étant quasiment qu’à ramasser parmi tous les arbres qui tombent d’eux-mêmes dans le jardin. Bref, d’un point de vue égoïste, ce coût du mazout passe la rampe.

Mais est-ce le cas de tout le monde ? Non, de toute évidence. Lorsqu’un plein de mazout coûte plus d’un mois de revenus, comment faire pour survivre décemment ?

Ne crachons pas dans la soupe. Nos sociétés, et sans doute singulièrement la Belgique, ont mis en place des mécanismes de solidarité et de partage. Bien sûr, émarger au CPAS n’est pas Byzance. Et – pour toutes sortes de raisons – de nombreuses personnes n’ont même pas cette possibilité. Il n’empêche, ce pourrait être pire : notre système de solidarité sociale est puissant et fonctionne.

Mais, ce 17 octobre, c’était la Journée Mondiale du Refus de la Misère. Et dans nos sociétés riches et solidaires, il n’en reste pas moins que les situations de précarité extrême se multiplient. La fracture entre riches et pauvres s’agrandit, quand bien même le niveau global de richesse est élevé. On mesure le niveau de vie d’un pays grâce à son PIB. Mais son réel niveau ne devrait-il pas être approché par un indice de pauvreté ? Tant qu’il y a des pauvres dans une société, celle-ci n’est pas développée. La pauvreté et la précarité sont inacceptables.

Je ne fais pas de politique et je n’en ai pas les compétences. Mais pour moi, une véritable politique serait celle qui trouve des solutions concrètes et réelles pour chacun quant au droit à un revenu décent, au droit à un logement chauffé, au droit à la santé. Sans cela, que sommes-nous ?

mercredi 17 octobre 2007

Je te donne ma parole… et la reprends aussitôt

Rembrandt © 1660

Que vaut une parole donnée ? Finalement, il est si facile de dire « Oui, je m’engage à ceci ou cela… » et puis, quelques temps après, de dire « Voilà, je fais autrement ».

Une telle attitude, nous l’avons tous rencontrée un jour ou l’autre, que ce soit dans la vie quotidienne, dans la vie amoureuse, dans la vie professionnelle, dans la vie des affaires… Et au bout du compte, nous vivons dans une société où tout le monde sait bien qu’une « parole » n’est jamais « donnée » qu’au moment où on la donne. Après, basta. Même quand cette parole donnée est accompagnée d’un écrit signé, d’un contrat, on sait bien que ce n’est pas parole d’Évangile !

Mais chaque fois qu’on se retrouve victime d’un tel reniement, cela fait mal. Et ça donne envie de se rebeller. Sans grande chance de succès, mais envie quand même.

Nous venons de vivre un épisode de ce type. C’est un peu compliqué… mais disons que mon sacré fils Simon a besoin d’un « kot » étudiant à Louvain-la-Neuve. Il s’y est pris un peu tard et se retrouve pour le moment Gros-Jean comme devant. Il y a 3 semaines, miracle : un appartement pour 4 étudiants se dégage. On saute sur l’occasion. Elle fait le bonheur de Simon qui va pouvoir koter avec ses potes… mais il faut attendre jusqu’au 15 octobre pour réaliser quelques travaux. Je passe des détails, mais le 15 octobre le propriétaire nous informe que finalement, il a décidé de ne pas louer. Patatras !

En dehors des ennuis que cela provoque, des autres occasions qui ont été entretemps ratées, de la recherche qu’il faut recommencer, il faut bien reconnaître que ce qu’il y a de plus triste dans cette histoire, c’est l’image que cet adulte donne aux jeunes. Pourquoi ceux-ci auraient-ils encore confiance ? Pourquoi à leur tour n’agiraient-ils pas de la même manière ? Sacrebleu, dans quel monde vivons-nous ?

lundi 15 octobre 2007

Hugo, l’enfant de l’étang

FMG © 2007

Il y a bien longtemps, un petit garçon aimait folâtrer ici et là à la recherche du moindre signe de vie. Hugo était d’ailleurs la vie personnifiée : il n’arrêtait pas de bouger, de virevolter, de remuer, de s’activer, de frétiller, de voltiger et de cabrioler. Un vrai papillon ! Ce n’est pas qu’il était hyperkinesthésique ou quelque chose du genre. Non, simplement ce garçon aimait la vie, aimait la regarder… Et il y avait tant à voir.

Un jour, il arriva au bord d’un étang. Quoi de plus normal : s’il y a bien un milieu de vie, ce sont les étangs. Tout le monde sait cela. Mais cet étang était particulier. D’abord, il était tout petit. Aurait-il fallu parler d’une mare ? C’eût peut-être été plus correct. Et peut-être cela aurait-il changé le cours de cette histoire. Qui sait ?

Toujours est-il que dès qu’il aperçut cet étang – ou cette mare, c’est selon – il s’arrêta brusquement et s’accroupit à son bord. Il commença à fixer le centre de l’étang, sans lever les yeux, sans se laisser distraire par tout ce qui l’entourait. Que voyait-il ? Personne ne l’a jamais su. Peut-être avait-il découvert le trésor de la vie. Peut-être même était-ce tout simplement la vie qu’il scrutait ainsi, un sourire béat au coin des lèvres. On eut beau l’appeler, lui dire de revenir sur terre, rien n’y fit. Il resta là, à regarder le centre de l’étang, à moins que ce ne fut une mare. Qui sait ?

Petit à petit, à force de regarder, lui qui était si impétueux en temps normal, il se transforma, lentement mais sûrement, en statue de pierre. Figée pour l’éternité. À regarder sans discontinuer le cœur de l’étang, un sourire béat au coin des lèvres.

Depuis le temps, l’étang s’est asséché. Il n’y a plus que des herbes hautes et sauvages. Mais Hugo observe toujours, contemplant cette vie qui n’apparaît plus. Il sourit toujours. Comme s’il avait trouvé le sens de la vie. Comme si maintenant, il savait. Il savait ces choses que nous ne savons pas.

Je l’ai rencontré l’autre jour. Il était là, accroupi, heureux, à regarder fixement son invisible secret. En le voyant, je me suis demandé ce que son histoire pouvait bien nous apporter. Tout cela avait-il un sens ? Bizarrement, je me suis dit que décidément, la vie ne se laisse pas enfermer. Elle surgit toujours là où on ne l’attend pas, sous une forme étonnante, bien différente de ce qu’on imagine pour la vie. Parfois même, la vie se fige. Mais, c’est pour mieux vivre, pour mieux ensoleiller le monde. Le cœur du monde est dans un sourire.

Il y a toujours la vie quelque part.

dimanche 14 octobre 2007

SMTP ou les serveurs sortants

J’ai bien conscience que ce sujet ne va intéresser que très peu de personnes, surtout parmi celles qui me font l’honneur de me rendre des visites récurrentes. Que voulez-vous : on ne peut pas plaire toujours à tout le monde !

La question que je voudrais aborder ici est cependant importante pour de nombreux voyageurs et la réponse – simple – que je voudrais y apporter risque d’en intéresser quelques-uns. La question est elle aussi simple : « Comment identifier le nom d’un serveur sortant, aussi connu sous le nom de SMTP (Simple Mail Transfer Protocol), quand on est connecté n’importe où dans le monde ? ».

Pour ceux qui n’y comprennent rien, voici quelques explications. Lorsqu’on envoie un courriel à l’aide d’un gestionnaire de courriels du type Thunderbird, Eudora ou autre Outlook, on l’envoie en réalité dans une « boîte postale » qui dépend du fournisseur d’accès à Internet (FAI) sur lequel on est branché. Ce FAI transmettra ensuite le courriel aux autoroutes de l’information qui aboutira dans la boîte aux lettres du destinataire, localisée sur le « serveur entrant » (POP) du fournisseur d’adresse électronique. Le destinataire va ensuite chercher sur ce serveur entrant le courriel qui lui est destiné. Dès que vous êtes connecté sur Internet, vous pouvez vous connecter sur votre serveur entrant. Celui-ci est accessible de n’importe quel ordinateur. Par contre, on ne peut se connecter que sur le serveur sortant lié au réseau sur lequel on est branché. Voilà pour la partie technique, en résumé…

Le problème survient donc quand on est connecté sur un réseau inconnu. Par exemple, lors de ma dernière mission au Liban, je pouvais me connecter sur le réseau de l’hôtel, mais personne n’était capable de me dire le nom de ce réseau. Je pouvais donc lire mon courrier, mais pas en envoyer, car pour cela j’ai besoin de connaître le nom du serveur sortant. Pour qu’on se comprenne bien, je signale que ce problème ne se pose pas à celui qui utilise un « webmail » (style Gmail, Yahoo…), car il se connecte directement sur sa boîte que ce soit pour lire ou écrire son courriel. Une fois qu’il n’est plus connecté, il n’a plus accès à ses messages envoyés ou reçus, contrairement à l’utilisateur d’un gestionnaire de courriels.

Bref, je me suis retrouvé comme ces milliers d’utilisateurs qui se connectent un petit peu partout dans le monde, le plus souvent grâce à une connexion wifi, sans savoir comment il est relié au reste de la toile. Vous direz qu’il suffit de demander : détrompez-vous ! La plupart du temps, personne n’est au courant. Mon expérience me montre que les réceptionnistes des hôtels n’ont aucune idée de ce que vous leur demandez quand on les interroge sur leur fournisseur d’accès. Et encore plus quand vous sollicitez le nom du serveur sortant !

J’ai fini par résoudre ce problème, que je rencontre relativement souvent :
  • Quand je suis connecté, je me rends sur une page qui a un compteur de visite, par exemple celle que j’ai créée : page test ! (Mais vous pouvez utilisez n’importe quelle autre page qui contient un compteur susceptible de vous renseigner.)
  • Arrivé sur cette page, je clique sur le petit carré bleu à gauche. J’arrive chez le fournisseur du compteur qui m’indique, par exemple, que le 5 octobre j’étais connecté sur le réseau IncoNet Data Management sal, Beirut, Beyrouth, Liban.
  • Je vais sur une autre page qui pour la plupart des fournisseurs fournit le nom du serveur smtp.
  • Si le fournisseur n'est pas repris dans la liste, je copie cette information et je la rentre dans mon moteur de recherche préféré. Cela me permet d’identifier plus ou moins facilement l’adresse du site du fournisseur d’accès, de m’y rendre et – en cherchant un peu – de trouver l’adresse du serveur smtp. En l’occurrence, c’était smtp.idm.net.lb.
  • Il me suffit maintenant d’entrer cette information dans mon gestionnaire, de faire un essai en m’envoyant un message, et le tour est joué.

Vous m’avez suivi ??? En réalité, dans tout cela, ce qu’il faut retenir, c’est qu’il y a toujours une solution à un problème ! En voici un autre d’ailleurs : vous vous demandez peut-être pourquoi j’ai choisi cette illustration pour ce sujet. Quel est le lien entre cet oiseau et un serveur sortant ? D’abord, je trouvais cette illustration très jolie. Ensuite, j’aimais bien cette image d’aller chercher la maison parmi tous ces personnages aveugles en bois. C’est un peu ce que je fais quand je cherche le nom du SMTP. D’ailleurs et enfin, cette toile de François Knopf est intitulée « Le grutier sortant une maison »… et il s’agit donc bien d’un serveur sortant !

samedi 6 octobre 2007

De la musique avant toute chose

FMG © 2007

Beyrouth. 5 octobre 2007. En cette fin de Ramadan, la vie continue. Il faut bien. Il faut faire comme si. Comme si tout allait bien. Comme s’il n’y avait pas de violence. Comme si ce peuple était maître de son destin, alors qu’il est loin de l’être : qu’a-t-il le droit de dire ou de faire face aux dirigeants de l’Arabie saoudite, des Etats-Unis, de l’Iran, d’Israël et de la Syrie ? Juste un pion sur un échiquier planétaire.

Mais la vie continue. Ce vendredi soir, j’ai assisté au concert donné par l’Orchestre symphonique national du Liban. Orchestre et chœurs. Plus de 180 musiciens et chanteurs ! L’Église Saint-Joseph était remplie. Plus de 500 spectateurs ?

Un peu plus d’une heure de musique. Du classique accessible : Mozart, Orff, Beethoven et Sibelius. De la musique puissante. Carmina Burana, c’est quelque chose. L’hymne à la joie, ce n’est pas moins. Et que dire de Finlandia, véritable cri d’indépendance finlandais.

L’important n’était sans doute pas dans la musique. Mais dans le fait que la musique était là. Qu’elle rassemblait toutes ces personnes. Des libanais de tout âge. Mais aussi des gens venus d’ailleurs, roumains, hongrois et arméniens dans les musiciens, et même belge dans le public. Et tous ces gens ont – le temps d’un concert – oublié que personne ne sait ce que sera demain. Que peut-être demain ne sera pas.

Merci, la musique !

mercredi 3 octobre 2007

Détecteurs de brouillard

Le brouillard étend ses nappes désormais. Elles nous enlacent dans un monde où le flou se dispute au doute. Quelquefois, le soleil s’y fraie un chemin et crée des univers doux et solubles.

Quand on est sur la route, le brouillard est un adversaire redoutable. Il se permet parfois d’être plus profond, supprimant brusquement toute visibilité. Dans nos pays du nord, plus d’une voiture s’est laissée surprendre.

Mais il existe désormais des détecteurs de brouillard. Ces machines, bien placées, peuvent activer les bonnes procédures en cas de nécessité et les automobilistes peuvent être prévenus d’un brouillard qui risque de surgir, tel un chevalier aveuglant. Cela n’amène sans doute que rarement les conducteurs à ralentir leur machine, mais au moins ils sont prêts à le faire, guettant la surprise annoncée.

Le brouillard est un phénomène physique et il n’était sans doute pas trop difficile d’inventer des détecteurs de brouillard… simple question de densité de l’eau contenue dans l’air. Le brouillard des routes n’est cependant pas le seul brouillard. Dans la vie, il arrive souvent qu’on se retrouve dans le brouillard, que ce soit en amour, en amitié, en pensée, etc. Ces brouillards-là sont souvent plus denses, plus dangereux encore. Il ne semble malheureusement pas encore y avoir de détecteurs de ces brouillards sentimentaux.

Imaginez que lorsqu’un brouillard risque de surgir dans la vie d’un couple, un détecteur se mette à vibrer dans la tête de chaque partenaire. Imaginez que ce détecteur fasse comprendre à chacun qu’il y a risque de collision ou de disparition si on continue à rouler de la même manière sur l’autoroute des blessures personnelles. Imaginez que le détecteur propose de ralentir, de s’arrêter même, pour prendre le temps de regarder la route et le soleil qui luit quelque part, enrobé des méandres de l’indifférence ou du mépris.

Combien d’accidents de l’amour, de l’amitié, de la vie… seraient ainsi évités ? Pas de miracle bien sûr. Il ne suffirait pas qu’un détecteur existe et détecte le brouillard pour que celui-ci disparaisse. Ni pour que chacun change fondamentalement sa manière d’aborder l’autre. Mais cela éveillerait peut-être l’attention. Et, dans la vie, il suffit souvent de commencer à faire attention à l’autre pour pouvoir cheminer un peu plus longuement et un peu plus heureusement avec lui.

Finalement, ces détecteurs existent peut-être. Mais nous ne sommes sans doute la plupart du temps pas suffisamment sensibles aux signaux qu’ils nous envoient, nous laissant alors surprendre par nos nappes brouillardeuses. Et pourtant, le soleil est toujours derrière le brouillard !